mardi 24 mai 2011

Radicalisme et immigration: l'UDC persiste et signe

L'UDC, le parti le plus à droite de suisse, est en campagne et s'apprête à déposer une nouvelle initiative contre les immigrés. Tous les ressortissants étrangers sont visés par le texte. Les accords bilatéraux avec l'UE sont une fois de plus remis en cause. 

A la veille de nouvelles élections, les mécanismes de la démocratie directe permettent aux partis politiques de donner plus d'ampleur à leur campagne électorale. Il y a quelques semaines, c'était le parti démocrate chrétien (PDC) qui mobilisait les procédures d'initiative populaire pour donner plus de résonance à ses idées. Aujourd'hui, c'est au tour de l'union démocratique du centre de faire usage de la recette. Pour le PDC l'utilisation de pareil subterfuge est extrêmement rare (trois fois en 163 ans), on ne peut pas en dire autant pour l'UDC. 

Rétro-actes: automne 2007, la confédération helvétique organise pour la 48e fois des élections fédérales afin de renouveler son gouvernement et son parlement national. Depuis des mois, la campagne fait rage entre les partis. L'un d'eux, pourtant, a réussi à s'encrer profondément sur le champ médiatique et à définir à l'avance les sujets sur lesquels portera la campagne électorale: l'UDC. La recette est simple pour celui qu'on appelle encore "le parti agrarien", il s'agit de labourer l'espace médiatique avec des messages simples et facile à comprendre: "dehors les étrangers", "à bas le péril musulman", etc. Grâce à une communication agressive qui cherchait sciemment à choquer, l'UDC était partout (souvenez-vous de ces fameux moutons noirs). Et quand l'attention publique diminuait, il suffisait à Christoph Blöcher (héros du renouveau du parti) d'annoncer que son parti lançait ou soutenait une initiative pour l'expulsion des étrangers ou contre la construction des minarets (il s'agissait alors d'effet d'annonce car les textes de ces deux initiatives seront déposés à la chancellerie quelques années plus tard). 

Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse ou non d'une manoeuvre politicienne, détaillons le contenu de la proposition qu'a formulé l'UDC ce 23 mai. 
« La Suisse a perdu le contrôle de l'immigration. L'afflux d'immigrants en Suisse ne cesse de croître et la Suisse n'a aucun moyen de maîtriser et de limiter efficacement l'immigration. Cette situation s'explique par la libre circulation des personnes avec l'UE, l'ouverture des frontières et les problèmes persistants de l'asile. Les conséquences négatives de cette immigration sans borne sont de plus en plus perceptibles. Il est grand temps que la Suisse retrouve les moyens de maîtriser l'immigration et de limiter le flot d'étrangers arrivant dans le pays. La direction de l'UDC propose donc (...) de lancer une "initiative populaire pour la limitation". (communiqué de presse de l'UDC) »
Pour lutter contre cet "afflux massif", l'UDC veut proposer au peuple de mettre en place des quotats annuels en fonction des besoins économiques du pays. Dans le but de "limiter et trier l'immigration", Toni Brunner, le président du parti, prône donc un système déjà d'application au Canada, où les requérants à l'asile sont sélectionnés en fonction des "points" qu'ils accumulent s'ils ont un travail et des ressources jugées suffisantes. L'union démocratique du centre estime aussi que le séjour durable, le regroupement familial et le droit à l'aide sociale ne doivent plus être considérés comme allant de soit pour tous les migrants. De plus, la proposition prévoit d'imposer aux employeurs de donner la priorité aux Suisses quand ils embauchent.

L'UDC ratisse large et entend donc apporter une réponse à la pression démographique, critique dans certaines villes Suisses. Rappelons tout de même que le pays connait le plus petit taux de chômage d'Europe et que, à cause du manque de formation, certains services sont assurés par un très large contingent d'étrangers (dans les hôpitaux suisses, par exemple, une bonne partie des infirmières viennent de France ou du Canada). Par ailleurs, Travail.Suisse, la plate forme qui regroupe les associations de travailleurs en Suisse, vient de publier une étude sur la de main d'oeuvre dans le pays. Selon elle, même si l'immigration reste soutenue,  400 000 postes seront vacants dans la confédération, en 2030.


Dans les rangs du parti agrarien, on tente donc de focaliser le débat sur l'immigration et on en rajoute une couche. Car, si l'initiative populaire inquiète en Suisse et chez ses voisins c'est parce qu'elle ne fait aucune distinction entre étrangers Européens et non-Européens. Les Européens et plus particulièrement les frontaliers sont donc visés par ces mesures au même titre que les migrants hors Union. Pour l'UDC, si cette initiative passe, il faudra obligatoirement revoir les traités qui ont fait entrer la Suisse dans l'espace Schengen. Une perspective qui inquiète les autres partis qui mesurent chaque jour les avantages économiques apportés par les accords bilatéraux.

Le texte de l'UDC rassemble donc tous les ingrédients qui ont fait le succès du parti: lutte contre l'immigration et défense de l'autonomie Suisse. Des arguments de campagnes qui lui ont été récemment subtilisés par Ecopop qui propose une réduction annuelle de 0,2% de l'immigration.  Le parti de Christoph Blöcher se devait donc de reprendre l'initiative et de surenchérir en passant. La proposition sera finalisée samedi pour partir à la récolte des signatures le plus vite possible.

Update: la proposition a été finalisée aujourd'hui. Vidéo:


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